Les rayons du soleil étaient particulièrement intenses ce jour là, tellement, qu’ils transperçaient mes rideaux et venaient se déposer sur mon visage. J’ouvris les yeux, il n’était pas encore sept heures. Il me restait du temps pour me lever et pourtant j’étais tellement heureuse et excité que j’aie décidé de tout de même me lever. Aujourd’hui était un grand jour, mon grand jour. C’était le jour de mon mariage et même si on m’avait beaucoup reproché que je me marie parce que j’étais « trop jeune », 19 ans, j’étais absolument et totalement amoureuse de Nathanaël. Le silence régnait dans mon appartement, seule la respiration lente de mes demoiselles d’honneur qui dormaient dans mon salon se faisait entendre. Je me levais discrètement et allait dans ma cuisine pour faire chauffer de l’eau et me prendre un thé. Un soupir de plaisir s’échappa alors de ma gorge. Je n’en revenais toujours pas. J’entendis alors un réveil sonner dans le salon et mes amis et ma sœur grommeler avant de finalement entendre des bruits de pas. Elles me rejoignirent dans la cuisine. Après un bonjour général, je les laissais déjeuner pendant que j’allais me doucher. Les préparatifs étaient partis. Toutes les filles s’habillèrent de leurs robes brunes acajou assorties, choisis par me soins tandis que ma petite sœur Ellya, était déjà prête et m’aidait avec ma robe de mariée. Le temps défila très vite, trop vite j’eus l’impression que j’allais être en retard mais une demi heure avant que la voiture ne vienne me chercher j’étais prête.

J’allais partir lorsque mon téléphone sonna. Je m’attendais à beaucoup de choses, l’annonce d’un imprévu, des talons cassés, des robes déchirées, une voiture en retard, ou encore à des félicitations, des encouragements mais pas à ce que disait le message…

« Cap ou pas cap de t’enfuir maintenant et de ne revenir que dans sept ans sans donner de nouvelles ni d’explication à PERSONNE ? »

C’était comme prendre un coup de point en plein cœur. Pour toute personne extérieur à Liverpool, il aurait été normal de répondre pas cap, et d’aller se marier en toute sérénité, mais j’avais baigné dans ce jeu depuis toute petite et je n’ignorais pas les rumeurs qui disaient que si l’on ne tenait pas compte de ces messages, il n’était pas rare que l’expéditeur s’en prenne à la personne la plus chère pour la personne qui avait nié ou juste répondu « pas cap » à ce message. Je ne voulais pas prendre le risque qu'il arrive quelque chose à quelqu'un de ma famille ou même à Nathanaël. Je ne comprenais pas, pourquoi le jeu qui m’avait fait rencontrer l’amour deux ans plus tôt, me l’enlevait aussitôt…Car oui j’avais l’habitude de recevoir des messages de ce genre depuis mon entrée au collège et un jour, il y a donc deux ans j’ai reçu un message qui disait « Cap ou pas cap de te rendre au 365th Hilly Street, de demander Nathanaël et de l’embrasser », et j’y avais été, ne sachant pas qui était Nathanaël, s’il était jeune ou vieux , beau ou non. Il s’était alors avéré qu’il était extrêmement séduisant et qu’il n’avait que deux ans de plus que moi et l’on tomba amoureux l’un de l’autre. Plusieurs fois, il me demanda pourquoi et comment j’avais fait ça. Je ne répondis pas et restais silencieuse sur le sujet. Je pensais que lui n’avait pas à subir ce genre de défi et j’avais peur de ce qu’il allait penser de moi.

Mais aujourd’hui, je n’avais pas le choix, je ne voulais pas qu’il ou elle s’en prenne à ma famille, j’avais peur. J’ai donc enlevé ma robe de mariée, et fais mes valises. Je suis partie discrètement, croisant la voiture qui devait m’emmener à l’église. Je pleurais à chaux de larmes et partie, en direction de l’Inde. Je m’étais abonnée au journal de Liverpool et le recevait dans ma petite habitation dans Mumbai. On parla de moi et on me surnomma « The Missing Bride ». On parla aussi à quel point Nathanaël fut dévasté, certains pensaient que j’avais été enlevé, d’autres disaient que je m’étais enfuit car j’avais eut peur d’être mariée, trop jeune. Mon père nia cette seconde hypothèse disant que même si j’avais voulu ne pas me marier, je leur aurais au moins donné des nouvelles. Deux mois et demi après mon départ, j’appris que j’étais enceinte de trois mois. C’était une grande joie mais en même temps, ce bébé me rappela tout ce que j’avais perdu dans la vie et notamment l’homme de ma vie. Je fus hébergé par une famille indienne, dont la femme Rani, devint très vite une bonne amie. Ma grossesse se passa sans encombre et j’accouchais d’une jolie petite fille, que je nommais Hilly, en référence au nom de la rue ou avait habité Nathanaël. Lorsque l’on posa ma fille sur mon ventre, je me jurai que jamais, au grand jamais je ne laisserai personne m’enlever ma fille comme on m’avait enlevé le reste.

Je vécus 4 ans en Inde avec Hilly ou j’appris avec ma fille beaucoup de leur culture, ma fille était devenue une petite indienne modèle même si, malgré son teint hâlé, elle restait pale par rapport aux autres. Nous partîmes ensuite toutes deux ensuite pour le Sahara, voyager avec une famille nomade de touaregs. Je me fis assez rapidement à la chaleur, quand à Hil’, elle avait grandit dans ces températures et la supportait mieux que moi, et appris à parler leur dialecte tout comme j’avais appris à parler l’hindi. Les trois dernières années passèrent rapidement et à leurs termes, je m’étais demandé s’il fallait que je retourne à Liverpool, ou s’il était préférable que je continue de faire le tour du monde avec ma fille sachant que j’avais été laissé pour morte. J’avais alors 25 ans et après une réflexion intense au milieu du désert, je me suis dit que ma peur d’autre fois était naïve que j’avais fait une bêtise et que je devais l’assumer. Je rentrerais donc chez moi.

J’expliquais donc à fille, qu’il était temps qu’elle aille à l’école comme tous les enfants, et qu’elle le ferait à Liverpool, la ville ou j’avais moi-même grandit. Elle émit d’abord des protestations. Elle ne voulait pas quitter le Sahara mais après de longues négociations et les arguments infaillibles que j’avais trouvés pour plaider la cause d’une école anglaise, elle accepta et nous partîmes toutes deux en direction de Liverpool, le jour de mon anniversaire, mon vingt sixième anniversaire. Mon premier réflexe fut de me chercher un logement à moi. Je ne voulais pas débarquer chez mes parents par surprise et leur dire « Non je ne suis pas morte et d’ailleurs, je dois m’installer chez vous quelques temps… Ah oui j’allais oublier un tout petit détail technique de rien du tout, nous sommes deux, j’ai eut une fille », si je voulais les faire mourir d’une crise cardiaque c’était la chose à faire. Donc mon logement. Je cherchais pendant deux jours et finis par accepté un logement que j’avais refusé parce qu’il était à deux rues d’Hilly Street. Je ne savais pas si Nathanaël y vivait toujours mais par précaution, je ne voulais pas y aller.

Plusieurs semaines se passèrent et Hilly entra à l’école et même si nous étions revenues à la modernité, je refusais que ma fille se perde dans les jeux vidéo, la télé ou l’ordinateur. Tout cela était proscris. Un jour Hilly émit le souhait d’apprendre le piano, et sur le panneau d’affichage de l’immeuble j’avais trouvé le numéro d’un certain Nathan, qui donnait des cours vraiment pas cher. J’allais l’appeler moi-même mais Hilly insista pour téléphoner elle-même et face à son « moi, maman, je suis une grande », je ne pus résister. Elle allait sur ses sept ans mais en donner l’impression d’en avoir au moins douze.

Effectivement elle appela, et appris avec joie qu’elle pourrait commencer à prendre des cours la semaine suivante. J’étais heureuse qu’elle le soit. Le jour du rendez-vous, une semaine plus tard donc, je devais l’emmené chez son prof, il l’attendrait dehors, je marchais d’un bon pas et lorsque je tournais au coin de la rue j’aperçu Nathanaël, je fis vite demi tour et me cachait. Je demandais à ma fille si elle me savait à quoi ressemblait son prof et elle me répondit à l’affirmative avant de pointer Nathanaël du doigt. J’aurais pu prendre un autre prof c’est vrai mais je ne voulais pas décevoir ma petite fille, je l’envoyais seule tout en la surveillant à Nathanaël, je l’entendis lui demander ou était sa mère, instinctivement je me recachais derrière le mur, arrivant tout de même à imaginer ma fille pointer du doigt en ma direction et je pris la fuite pour rentrer chez moi.

Cela fait maintenant quatre mois que cela dur. Nathanaël chercher absolument à rencontrer la mère de la petite Hilly et il a l’air de s’entendre à merveille avec elle, normal peut être que cela vient du fait que c’est sa fille. Je ne peux pas prendre le risque qu’il me voit, je n’ai pas le coeur à l’affronter. J’ai aussi pris l’initiative de me racheter un téléphone portable en me disant que ce jeu qui avait fait de ma vie un enfer avait certainement disparu… Je ne savais pas encore à quel point j’avais tord.